en quête d'un café
Seb se réveille et donne quelques coups sur la paroi du fourgon pour qu’on lui ouvre la porte latérale. Il Bien reposé, il reprend le volant alors que le jour n’est pas encore levé. On rêve tous d’un café bien chaud pour commencer la journée, et on s’arrête au niveau de l’aire du Viaduc de Millau.
Mais il est à peine 6h du matin, l’aire est complètement fermée. Il reste un fond de café froid dans le thermos, dont Séb se satisfait en attendant mieux. On grimpe en haut du promontoire pour profiter de la vue, au moment où les premiers rayons de soleil inondent la vallée.
On reprend la route en espérant trouver un café ouvert, mais les rues des agglomérations qu’on traverse sont désertes. Pas moyen de trouver un troquet ouvert !
On arrive à port Saint Louis du Rhône sans encombre, où l’on trouve enfin une terrasse qui sert des cafés. On en est à la troisième tournée d’expressos quand le deuxième Seb de l’aventure arrive.
Ami de Romain depuis plusieurs années, c’est lui qui a plongé dans le port pour vérifier l’état de la coque au moment de l’achat du voilier. En l’absence de Romain, il s’est occupé du bateau, en gardant un œil sur celui-ci au port à sec et en commençant à poncer la coque.
sea, guêpes & sun
On part ensuite pour le port Navy Service. Le bateau est là, au milieu du plus grand port à sec d’Europe. Très vite, la température monte au milieu de ce parking géant en goudron et terre blanche, abandonné de toute végétation.
On découvre des passagers clandestins à bord du bateau. Des guêpes se sont installées dans les orifices à l’arrière du voilier. Les Sebs décident de s’en occuper, tandis que je me rends avec Romain à l’accueil pour régler les dernières formalités et confirmer l’horaire de grutage. A notre retour, problème réglé : ils ont enlevé deux nids à mains nues, et sans aucune piqûre !
On grimpe sur le bateau à l’aide de l’échelle pour débarrasser les affaires à bord qui pourraient valdinguer durant le voyage, tout en bataillant avec les dernières guêpes rescapées, furieuses de s’être fait déloger par notre duo de choc.
Pendant ce temps, Seb (le chauffeur) s’attelle à résoudre les problèmes qui subsistent sur la remorque. Comme il nous manque des outils, son homonyme et lui partent chercher des clés de serrage supplémentaires chez ce dernier. Ils reviennent avec le nécessaire, ainsi qu’une pastèque bien juteuse, grandement appréciée alors que la température continue de grimper.
On se fait dévorer par ce que Seb du Sud appelle les “niakniaks”, des mouches aussi petites qu’agaçantes qui laissent de petites marques rouges là où elles nous piquent. Elles sont épaulées dans leur mission par leurs amis, les moustiques tigres.
Grutage du bateau
Préparatifs de la remorque et du bateau en attendant le grutage prévu à 15h. Heureusement qu’on n’a pas perdu de temps, l’employé chargé de la tâche arrive à 14h30 avec un engin pour tracter le voilier jusqu’à la grue.
Le grutage commence. Moi qui n’ai jamais assisté à une telle opération, je suis impressionnée par la mécanique qui permet de lever un bateau dans les airs pendant qu’une remorque est placée en dessous.
La tension est palpable. La moindre erreur pourrait coûter cher. Le bras avant de la remorque qui doit retenir le nez du bateau est tordu et ne se positionne pas comme prévu pour retenir la charge en cas de freinage.
Les Sebs, nos rois du système D, se servent d’une cale en bois trainant par terre pour maintenir le tout. L’ensemble est sécurisé par de grandes sangles qui ceinturent le bateau sur la remorque. J’entends les employés du port commenter :
“Bah j’espère que ça va tenir, leur truc. A leur place, je tenterai pas de traverser la France comme ça.
Ma mission : aller aux feux
Pendant toute la durée de l’opération (où je n’étais pas d’une grande utilité), je suis missionnée par Romain pour tenter de trouver un magasin aux alentours qui pourrait nous fournir des feux de remorque magnétiques sans fil.
Comme le système électrique de celle-ci ne fonctionne toujours pas correctement malgré les heures de bricolage de Seb, il faut trouver une alternative (on va encore voyager de nuit). Il existe des feux sans fil et aimantés que l’on peut fixer à l’arrière d’un véhicule. Sauf qu’au beau milieu de la Camargue, ça ne court pas les rues…
Je fais donc des recherches sur mon téléphone et contacte des dizaines de revendeurs dans les environs, tout en observant chaque étape du grutage. Après plusieurs tentatives, je finis par trouver un magasin de matériel agricole qui possède le précieux objet, situé à Arles, à 45 minutes de route.
C’est à ce moment qu’arrive Sylvie, la mère de Romain, qui a fait la route depuis Cassis pour nous faire un coucou après son travail. Romain lui saute immédiatement dessus :
“On a besoin de ta voiture pour aller chercher un truc en urgence. Tu veux bien la prêter à Sophie ?”
J’ai à peine le temps de lui dire bonjour que je suis déjà en route avec Seb (le chauffeur) à mes côtés. Il est 17h, c’est l’heure où tout le monde sort du travail et le trafic est dense. J’avais oublié la bienveillance et la patience des sudistes au volant…
On arrive devant un parking rempli de tracteurs et autres engins agricoles rutilants. Le vendeur que j’ai eu au téléphone est là. Notre situation lui paraît assez inattendue, mais il fait tout son possible pour nous aider. On ouvre avec lui le fameux kit pour en comprendre le fonctionnement.
Mais il s’avère que ça ne résoudra pas notre problème. Il faut brancher un embout sur la prise du véhicule. Or, comme le fourgon a des problèmes électriques (causés par la remorque), ça ne changera rien.
Je commence à désespérer : on ne peut pas faire 1000 bornes de nuit avec un chargement qui frise le convoi exceptionnel sans lumières de signalisation ! Seb a alors une illumination (sans mauvais jeu de mots) : direction la zone commerciale la plus proche, où se trouvent Gifi et Action. On ressort de là avec un joli stock de petites lampes LED autoadhésives à piles, ainsi que des éclairages pour vélo. Valeur totale : 21,42 euros.
Les autres nous regardent avec un air incrédule lorsqu’on leur présente notre trésor de retour au port. Mais Seb est déterminé et commence à installer les lampes un peu partout sur la remorque et les flancs du bateau.
départ en trombe de la Camargue
On profite des douches du port pour faire une toilette bien méritée, puis on grignote tous ensemble sur le parking avant de dire au revoir à Seb et Sylvie. Le jour tombe, c’est l’heure de reprendre la route.
Les paysages camarguais défilent par la vitre. Au bout d’un moment, Seb gare le convoi sur le bas-côté pour vérifier les sangles et les feux. Nos loupiotes fonctionnent à merveille, on dirait un véritable sapin de Noël en aluminium !
Très vite, on comprend qu’on n’est pas seuls. Une armée de moustiques est en train de nous attaquer. Romain, parti un peu plus loin se soulager, revient au pas de course.
“Faut qu’on se tire tout de suite !”
On remonte en vitesse dans le fourgon et on part sans demander notre reste, vitres grandes ouvertes pour que les courants d’air mettent en fuite les derniers attaquants. On passe la demi-heure suivante à se gratter de la tête au pied.
Au loin, le ciel est menaçant, et le grain finit par nous rattraper. On prie pour que nos lampes absolument pas waterproof résistent à l’eau.
Bataille de gps & gyrophare
Etant donné que nous sommes à la limite d’être considérés comme convoi exceptionnel du fait de la largeur du bateau (2,65 m), qu’on ne connait pas notre hauteur exacte, et qu’on ne prend pas l’autoroute, il faut trouver un itinéraire où l’on ne risque pas d’être bloqués par un pont ou un tunnel. On garde même un gyrophare à portée de main pour les passages difficiles que l’on branche sur l’allume-cigare.
On a découvert une application de navigation semblable à Google Maps, développée par Michelin et destinée aux routiers, pour prendre la meilleure route en fonction de nos dimensions “exceptionnelles”.
On suit donc les indications de l’application, confiants. Mais aux abords de Montpellier, on réalise très vite que ce “super” GPS a décidé de nous faire passer par le centre-ville. Le gouvernement vient d’alléger les restrictions du couvre-feu, et à 21h en périphérie de Montpellier, les kékés en voitures de sport commencent à affluer.
Il faut changer de cap, avant de se retrouver en mauvaise posture. On tente de retrouver l’itinéraire que l’on a suivi à l’aller. Cela nous amène à un rond-point en dévers suivi d’une sortie qui passe sous un pont. Je visualise déjà le bateau planté au milieu du giratoire. Mais ça passe !
On bataille un peu avec les GPS pour trouver la meilleure route. Toutes les applications nous ramènent inexorablement vers le centre de la ville, alors qu’on veut à tout prix en sortir.
“Waze me dit de continuer tout droit.
– Google Maps me dit à gauche !
– Tu as coché l’option “sans péage” ?
– Oui, mais il nous fait passer par là pour éviter le trafic.”
Après de multiples comparaisons d’itinéraires, les panneaux indiquant “Montpellier” se font plus rares. On a réussi à rattraper la bonne route.
Séb est au top de sa forme et nous éblouit par ses compétences. On traverse des villages aux rues exiguës, on passe des ponts étroits, on prend des virages serrés sans encombre. Brancher et installer le gyrophare sur le toit à chaque passage difficile est un plaisir de gosse pour Romain et moie